1) Introduction
Le projet de recherche porte sur le terroir en tant qu’unité de développement
local se situe à la convergence de trois évolutions en cours au Maroc et d’une mobilisation
internationale en émergence.
·
Les trois
évolutions concernent le développement au Maroc du tourisme rural, le
lancement du Plan vert et notamment son pilier II et la promulgation de la loi
sur les produits à signes d’origine et de qualité.
A notre sens le tourisme rural devrait faire l’objet d’une approche territoriale.
Mais bien que la proposition qui a été
faite au Ministère, et que celui-ci a validée, retienne ce principe qu’elle a
concrétisé à travers le concept du Pays d’Accueil Touristique, on ne peut que
constater que l’unité spatiale retenue en fin de compte est l’unité
administrative qui coïncide avec la
Région institutionnelle ou la Province. De
ce fait il est aujourd’hui plus que nécessaire de revenir sur cette approche
territoriale pour clarifier davantage l’unité spatiale d’intervention en
tant qu’outil pour le montage et la gestion d’un produit de tourisme rural,
d’autant plus qu’il faut tenir compte d’une multitude d’intervenants, ce qui
pose un problème de gouvernance.
Il nous semble à ce propos que l’approche territoriale à concevoir devrait
s’appuyer entre autre sur le concept du terroir et ses produits. Or, il se trouve que cette approche
territoriale rejoint la nouvelle philosophie du Ministère de l’Agriculture et
de la Pêche
maritime à travers le Plan Maroc Vert. Le deuxième pilier de ce plan est dédié
au développement solidaire de la petite agriculture, il concerne principalement
les 3 grands agro-systèmes marocains (sur 5) dont
l’agriculture souffre de conditions naturelles difficiles : les montagnes,
les zones présahariennes et sahariennes et leurs oasis et les plaines et
plateaux semi-arides. Une zone qui représente un grand enjeu de
développement/environnement et recèle des atouts remarquables mais aussi des
fragilités inquiétantes. Venant couronner ces évolutions, la loi sur les produits
à signes d’origine et de qualité. Un des principaux objectifs de la loi est de
soutenir la petite agriculture et de contribuer au développement rural durable
des zones difficiles. Or, si la loi et ses décrets définissent les conditions
dans lesquelles certains produits de terroir peuvent être officiellement
protégés, sa mise en œuvre demandera des efforts importants d’accompagnement et
de réflexion. En effet les montagnes de Rif centrale dispose d’un grand
potentiel de produits à forte typicité mais leur identification et leur
valorisation posent de nombreuses questions, notamment celle de la capacité des
acteurs locaux à prendre conscience de la richesse potentielle des ressources
de leurs territoires, à s’organiser de façon collective pour enclencher une
dynamique de développement, et celle des échelles territoriales pertinentes à
prendre en compte.
Quant à la mobilisation internationale en émergence, elle vise justement
les « terroirs »
Le double concept de
« terroirs » et d’« approches terroirs » suscite depuis
quelques années un intérêt international croissant, appuyé par l’UNESCO. En
effet, un nombre croissant de pays et d’acteurs du développement ont compris
que la valorisation des ressources locales des « terroirs » (par
notamment l’agriculture et le tourisme) était un grand enjeu de développement
durable. L’approche terroirs peut en effet contribuer à la fois à
la sauvegarde de la diversité culturelle et naturelle, à donner une
compétitivité économique à des territoires difficiles dans la mondialisation et
à assurer une gestion plus durable des ressources naturelles et de
l’environnement.
La mobilisation des acteurs du
développement a cependant besoin de s‘appuyer sur une réflexion scientifique
solide qui permette de clarifier les concepts, les échelles de territoire à
considérer et les clefs d’émergence des dynamiques locales de progrès et qui
permette de mettre en avant les bases de ce nouveau modèle de développement.
L’analyse doit donc prendre en compte la notion de « terroir » dans
sa complexité et aider à une mise en œuvre efficace des dynamiques locales.
Le nouvel engagement du Maroc dans le
tourisme rural, la reconnaissance des produits à signe d’origine et le
développement solidaire de la petite agriculture, plaide pour que le Maroc
apporte sa contribution à cette réflexion et ouvre une réflexion scientifique
sur le « terroir » et l’ « approche terroir » qui permette
d’accompagner le développement espéré. Cette réflexion devra être adaptée au
cas des montagnes de Rif centrale au Maroc.
C’est donc à la rencontre de ces deux
politiques sectorielles (tourisme rural et développement agricole) et de cet
évènement qu’est la promulgation de la loi sur les signes d’origine et de
qualité et de cette dynamique à l’échelle internationale que se situe notre
projet de recherche et notre problématique.
2) Le projet/la problématique
l
Pays légal et pays
réel, territoire et terroir
Mise dans ce contexte, la notion de
terroir rejoint les préoccupations du projet de recherche global qui s’interroge
sur les cadres territoriaux, notamment dans un souci de développement. Il
s’agit de savoir quel sera le cadre spatial qui servira de support à
l’élaboration, la concrétisation et l’intégration locale de projets de
développement local des campagnes de Rif centrale au Maroc où domine la petite agriculture dans un
contexte plus ou moins fort de crise et de non développement. La tendance
immédiate des décideurs et des aménageurs est de considérer le maillage
territorial officiel plus ou moins dense que ce soit la commune, le cercle, la
province ou la région.
Parfois , l’acteur principal du développement est une
administration qui a pris l’habitude de travailler dans un cadre territorial
qui lui est propre tel l’administration des Eaux et Forêt qui prônant par
exemple un développement du tourisme va l’appuyer sur les parcs naturels qu’elle
considère comme l’unité spatiale exclusive pour l’implantation des projets. Si
on garde toujours le tourisme comme exemple, le Ministère du tourisme, lui, va
s’appuyer sur le Pays d’Accueil Touristique, unité spatiale qu’il inscrit de
plus en plus dans la province ou la région. Or , outre les conflits de compétences et
d’intérêts entre les différentes administrations et collectivités qui portent
ces projets, ces territoires administratifs manquent de cohérence sur le plan
touristique et correspondent rarement aux contours d’un espace touristique
pertinent. Par ailleurs le tourisme est une activité transversale dont l’espace
de production et de consommation ne s’inscrit pas obligatoirement dans la
logique et le cadre des « bassins d’emploi et de vie » des pays. De
ce fait il est très délicat de faire correspondre le projet de mise en tourisme
de l’espace rural aux territoires administratifs.
Il s’agit donc de réfléchir aux limites
et aux définitions d’un territoire de projet qui ne corresponde pas
obligatoirement à ce pays légal qu’est la circonscription administrative, mais
qui soit un pays réel, issu d’une délimitation qui est le résultat de
recompositions spatiales souples et volontaires tenant compte des contraintes
et des opportunités des territoires administratifs ou de projets.
La notion de territoire qui fait référence
aux lieux de vie et d'identification d'un groupe humain est l'un des critères
fondamentaux sur lesquels est basée cette délimitation de l'espace de projet.
Dans cette délimitation, la notion de terroir est également fortement présente, en privilégiant surtout sa double
dimension, productive en tant que terres d'une même région qui fournissent un
produit agricole caractéristique avec un goût particulier dû à la combinaison
de facteurs relatifs à la nature des sols et du climat, et socio culturels en
tant qu'aire portant la marque d'un mode de peuplement et d'une tradition
agraire typique. A cela sont combinées des pratiques culturales, des petits
outils, des petits métiers ruraux, bref des biens et des savoirs susceptibles
d’être patrimonialisés et de constituer une valeur ajoutée faisant la
spécificité du terroir à valoriser par rapport à un autre.
l
Le terroir aux montagnes de Rif centrale
Ceci
nous amène progressivement à l’objet de notre recherche qui est le terroir en
tant qu’outil de développement local. Aux montagnes de Rif centrale, le concept
de terroir répond classiquement à une dimension naturelle. C’est à l’origine
une unité d’espace naturel définie par un ensemble de caractéristiques
mésoclimatiques, topographiques, géologiques, pédologiques et agronomiques
conditionnant des aptitudes agricoles particulières des terrains ainsi que des
qualités spéciales des produits. Selon cette définition, il existe donc des
lieux « prédisposés » pour le développement de certaines productions.
Cependant, la notion de terroir a commencé à évoluer pour devenir plus complexe
et plus opérationnelle. Aujourd’hui le concept dépasse cette dimension physique
et on parle de plus en plus d’un terroir à forte dimension culturelle, la loi
sur les produits à signes de qualité ayant couronné cette évolution.
Cette évolution qu’a connue la notion de
terroir au Rif centrale de Maroc en tant que portion d'un espace productif est
passée par trois temps :
-
Dans un
premier temps, la notion de terroir au Rif centrale de Maroc était liée à une
logique d'organisation de l'espace qui prenait en compte la gestion de l'aléa climatique
par une complémentarité des ressources localisées dans différents milieux.
Selon les situations ces milieux étaient, soit situés dans la continuité d'un
même finage, soit séparés par des distances plus ou moins grandes dans le cadre
de finages discontinus. Les terroirs, en plus des dimensions climatique et
édaphique qui servaient à les différencier, constituaient une projection
spatiale du mode de production agropastoral et de la structure sociale communautaire
qui le sous tendait.
-
Dans un deuxième
temps, les dynamiques foncières et la désagrégation des structures sociales
traditionnelles, eurent pour conséquence la tendance vers l'utilisation
continue des terroirs selon des modalités culturales déterminées non seulement
par les aptitudes physiques mais également par le niveau d'évolution
technologique. Les considérations sociales pour la détermination des terroirs
se trouveront affaiblies cédant la place à des considérations plus agronomiques
et techniques.
-
Enfin, le
renouveau rural actuel va dans le sens d'une réhabilitation sociale des
terroirs par des acteurs qui sans être forcément du cru ont le souci de
contribuer au développement durable des contrées dans lesquelles ils mènent
leurs activités en relation avec l'agriculture ou avec d'autres secteurs
d'activité.
C'est là un atout majeur, car le terroir en
tant que structure productive est placé au centre d'un projet de territoire
porté par les acteurs.
Dans les pays où le terroir et
ses produits se trouvent à la base d’actions de développement, les recherches
autour de ces thématiques sont très poussées et font preuve d’un dynamisme
toujours renouvelé. En effet, diverses disciplines comme l’économie, la sociologie,
la géographie, l’agronomie, la technologie, le droit se sont emparé du thème du
terroir à travers différentes approches. Le rôle des productions de terroirs
dans la qualification des territoires, le développement local ou le tourisme,
les différentes formes de conventions générées par ces dynamiques, les liens
entre qualité, origine, territoire et compétitivité, les modes de coordination
des acteurs, la gouvernance de ces territoires particuliers et les marchés et
l’organisation des filières sont les principaux thèmes explorés par ces
recherches. Au Maroc, le thème en tant que tel n’a pas fait l’objet d’études
spécifiques, ce qui est tout à fait normal dans la mesure où le terroir et son
éventuelle prise en compte dans les actions de développement n’étaient pas
d’actualité. Rappelons à ce propos que c’est suite à la mise en place en 1992 d’un
dispositif réglementaire de protection de l’origine géographique à l’échelle de
l’Union Européenne que les recherches dans différentes disciplines avec une
prédominances des SHS sur le sujet des produits du terroir ont été dynamisées,
notamment en France. La promulgation au Maroc de la loi sur les produits à
signes de qualité devrait jouer le même rôle.
Il reste que faute de travaux
scientifiques spécifiques au Maroc, ce terme souffre parfois d’ambiguïtés et ne
signifie pas toujours la même chose chez tous les interlocuteurs. Il est
l’objet de nombreuses images et espoirs et peut véhiculer des réalités très
différentes. D’où l’intérêt de ce projet qui tout en se présentant comme une
recherche fondamentale, se veut aussi une contribution à cette dynamique en
cours de lancement sur les terroirs en tant qu’outils de développement. Elle
vise également après une précision de son contenu à promouvoir cet outil et à
le diffuser.
l
De l’importance du paysage dans la
compréhension des dynamiques du terroir
Dans notre démarche dans la compréhension
des dynamiques du terroir, nous accordons une place de choix au concept de
paysage et ce pour deux raisons :
-
Dans sa
dimension rurale, le paysage est sensé connaître un intérêt de la part des
acteurs dans la mesure où il conditionne le devenir de l'action publique dans
le domaine du développement durable des campagnes, à travers deux aspects, i)
l'aspect productif lié aux ressources, terre, eau et végétation à travers leur
utilisation à des fins agro sylvo pastorales. Les vocations d'un territoire
appréciées à partir d'un potentiel en ressources ne signifient pas toujours que
celles-ci sont exploitées de façons optimales sur les plans économiques et
écologiques. L'état du paysage est un indicateur objectif pour introduire une
sorte d'évaluation de la capacité productive d'un système agro pastoral et les
types d’évolutions futures auxquelles il peut être prédestiné ii) l’aspect
relatif à la fonction récréative des paysages, qui justement peut constituer
une alternative dans les cas où la perte d'équilibre économique et écologique
rendent la fonction agropastorale d'un territoire incapable de générer de la
richesse.
-
Notre intérêt porté au paysage, à partir
d'un point de vue géographique, cherche à placer la question dans une double
dimension, spatiale et temporelle. Au Rif centrale de Maroc, en dépit de la
richesse et la diversité des paysages qui témoignent de l'enracinement des
civilisations agraires, force est de constater une énorme lacune en matière de
recherche en sciences sociales orientée vers l'analyse des pratiques et des
savoirs faire qui les ont produits. Etant révélateurs des systèmes agraires
ayant vécu et/ou encore en fonctionnement, les paysages offriraient sûrement
des clés de lecture aux problèmes posés actuellement à un double niveau: i) au
niveau des systèmes de production les plus adaptés dans les contextes
d'agriculture en zone difficile, ii) au niveau de la réhabilitation de
certaines pratiques et des principes d'organisation qui permettaient le
maintien des équilibres socio écologiques.
Le paysage rural au Rif centrale de Maroc
est le résultat d’une construction sociale millénaire. On peut identifier au
moins 2 phases historiques dans cette construction :
-
Une première phase pré moderne
correspond au Rif centrale précolonial. Avec un outillage rudimentaire, mais
avec une organisation sociale forte, et une démographie marquée par une faible
croissance, la construction des paysages est le produit des communautés
paysannes et/ou pastorales qui avaient des relations au territoire
conditionnées par la nécessité de permettre au groupe de se reproduire
socialement à travers une gestion réglementée des ressources du territoire.
C'est une période marquée par la faible intervention des facteurs exogènes,
même si ni les communautés, ni les territoires n'étaient totalement fermés aux
courants des échanges et aux influences des rapports politiques entretenus avec
le pouvoir central.
-
La deuxième phase qu'on qualifie de
moderne, dont l'initiation coïncide avec la rupture coloniale, est caractérisé
par la mise en place d'un nouvel ordre territorial ou des éléments externes se
sont introduits en provoquant une perturbation de l'ordre ancien. Il s'agit de
l'application de nouvelles lois foncières, de la réglementation sur les espaces
forestiers, et de l'ouverture des campagnes à de nouvelles utilisations
répondant plus aux décisions individuelles des exploitants, et par conséquent à
la naissance de nouveaux paysages.
Les processus de mutation qui touche les
campagnes en général ont entraîné une diversification des systèmes de
production, ayant justifié l'utilisation du concept de dualisme agraire pour
synthétiser l'opposition entre systèmes modernes et systèmes traditionnels. En
zone de montagne cette dualité est mois visible compte tenu du faible
développement des structures agricoles et l'orientation dominante vers les
activités pastorales. Les zones de montagne connurent les changements les plus
radicaux, à travers les évolutions régressives des systèmes de production
compte tenu de l'ampleur du phénomène de dégradation des terres et de l'exode
des population vers les villes. Ce qui s'est traduit par l'apparition de
nouvelles formes d'organisation de l'espace et l'émergence d'une diversité
paysagère. Aux anciens terroirs travaillés par des communautés paysannes
enracinées ont succédé des terres en friche regagnées par la végétation
naturelle ou rendues stériles par l'érosion. Ailleurs, et grâce à
l'intervention de nouveaux acteurs, c'est l'investissement financier qui permit
de soumettre les mêmes terres à des logiques d'exploitation qui rompent avec
les pratiques agraires habituelles. Quand ce n'est pas une logique
conservatrice véhiculée par l'Etat qui l'emporte avec des prémisses de
l'affectation du territoire à des fonctions touristiques. Toutes ces
transformations sont exprimées par des paysages qui portent les traits
culturels des acteurs qui les ont mis en place.
En dernière analyse l'on peut dire que la
dégradation de la qualité des paysages est devenue une question préoccupante
pour les décideurs comme pour le simple citoyen. Mais en ce qui concerne les
paysages ruraux, cette préoccupation généralement suscitée par une prise de
conscience de l'impératif écologique est doublée par des considérations qui
tiennent au sort de nos campagnes dans le futur. La campagne marocaine
notamment le Rif centrale étant encore confondue avec les espaces de production
agricole, animale et sylvicole. Or la dégradation qu'elle est entrain de
connaître, généralement mise au crédit des perturbations climatiques, de la sur
ou la sous exploitation devient compromettante et impose la question suivante:
Quelle est la capacité actuelle des systèmes agricoles à assurer la pérennité
d'une campagne dont les équilibres société nature passent par une phase de
perturbation? A travers le rapport densité du peuplement, distribution des
facteurs de production foncier et financiers, le niveau technique, l'état de la
cohésion social, comment se reproduit l'organisation du territoire à travers sa
mise en valeur et la production du paysage.
3. Les objectifs
L’objectif général vise à
identifier et analyser des espaces définis comme terroirs au Rif centrale de Maroc, tout en vérifiant si la définition
qu’on leur applique aujourd’hui, notamment au niveau de l’UNESCO peut
s’appliquer au cas du Rif centrale de Maroc. Il s’agira ensuite d’identifier les possibilités de mise en valeur
des savoir-faire et produits du terroir et les clefs d’émergence de dynamiques
locales de développement durable, basé sur cette unité territoriale qu’est le
terroir.
Pour la
composante paysage nous comptons apporter une contribution à la connaissance
géographique fondamentale autour de la dimension humaine des paysages
forestiers et agroforesteries des montagnes au Rif centrale. Sachant que ces
types de paysage sont nés à l'interface de deux systèmes d'organisation qui
s'opposent, un système communautaire ayant évolué vers des modes plus
individualistes, d'un côté, et un système de gestion étatique du domaine
publique. La compréhension des mécanisme organisationnels actuels au niveau des
communautés utilisatrices des ressources aidera sûrement à la conception de
politiques publiques concernant l'agriculture de montagne et l'orientation des
ressources naturels vers des multi usages plus consensuels.
Les objectifs spécifiques sont multiples
·
Objectif
spécifique 1 : Suivre la
définition du terroir communément acceptée aujourd’hui et qui se présente
ainsi :
« Un terroir est un espace géographique
délimité, défini à partir d’une communauté humaine qui construit au cours de
son histoire un ensemble de traits culturels distinctifs, de savoirs et de
pratiques fondés sur un système d’interactions entre un milieu naturel et les
facteurs humains. Les savoir-faire mis en jeu, révèlent une originalité,
confèrent une typicité et permettent une reconnaissance pour les produits ou
services originaires de cet espace et donc pour les hommes qui y vivent. Les
terroirs sont des espaces vivants et innovants qui ne peuvent être assimilés à
la seule tradition »[1], tout
en précisant ses différentes composantes et de réfléchir à sa traduction et à sa
pertinence pour le Maroc. Montagnes de Rif centrale
·
Objectif
spécifique 2 :
Aboutir à une définition du terroir – dans le sens
qui lui est donné dans ce projet- adaptée aux montagnes de Rif centrale, n’est
pas un but en soi, mais un moyen pour chercher à donner du sens et une
efficacité à la dynamique de développement. Le deuxième objectif spécifique
consiste donc à identifier les possibilités de mise en valeur des
savoir-faire et produits du terroir et les clefs d’émergence de dynamiques
locales de développement durable. Cela passe par un travail auprès des acteurs
locaux déjà impliqués dans cette valorisation ou ceux pouvant présenter un potentiel
quelconque pour jouer ce rôle.
·
Objectifs spécifiques 3 : Mener une analyse
diachronique des paysages agro forestiers pour déterminer le sens des évolutions en cours.
Permettre d'évaluer l'état de conservation ou de dégradation de ces paysages,
en confrontant la situation des ressources et les modes d'utilisation des
terres mises en œuvre par les populations à travers différentes périodes de
l'histoire récente.
·
Objectif spécifique 4: Voir quelles sont les nouvelles
fonctions du territoire à travers l'agencement des éléments du paysage dans le
cadre des influences introduites par le multi usage Comment peut – on envisagé
un développement fondé sur des activités favorisant une durabilité soutenue des
ressources dans un espace convoité ouvert à des acteurs appartenant à
différents horizons.
4)
Les activités
-
Activité.1 : Délimitation des terroirs à
étudier
L’une des étapes clés du travail de terrain est la
vérification de la pertinence de l’échelle à prendre en compte. Il y a en effet un problème d’échelle et d’emboîtement de
celles-ci qui se pose. Partant de la notion d’emboîtement de différentes
échelles, nous allons partir de l’échelle la plus petite et qui est le
terroir villageois. Pour cela nous posons l’hypothèse que le terroir du
douar est doublement associé à (i) la représentation du territoire
dont les ressources naturelles sont
utilisées par une communauté primaire que l’on fait correspondre à la notion de
douar et (ii) à celle du territoire
dans lequel la communauté projette l’espace
vécu de ses relations socio économiques (espace politique, administratif,
électoral, relation au souk et aux
services de la ville, intégration dans les flux économiques, etc.).
Dans un premier temps, nous nous attacherons à délimiter le “terroir”,
en tant qu’espace naturel utilisé par la communauté primaire. Cela
suppose la mise au point d’une méthodologie appropriée basée sur une
cartographie des terroirs et la reconnaissance des droits d’usage. L’approche
se propose de comprendre les catégories utilisées par les populations pour
décrire les différentes strates d’usage de leur espace : caractères
écologiques, mode d'occupation agricole et pastorale, droits fonciers, droits
d'usage, etc. Cette approche s'attachera notamment à connaître les
dénominations vernaculaires et les toponymes qui constituent le corpus de la
géographie mentale du terroir en passant par l’établissement d’un schéma validé
par la population puis faisant l’objet d’un travail de terrain (GPS, images de
télédétection, SIG).
Outre ce travail de délimitation faisant appel à la participation des
populations concernées, la méthodologie envisagée fait une place de choix aux
relevés détaillés, aux enquêtes quantitatives et aux entretiens qualitatifs.
Une fois ces terroirs délimités, la suite de
l’activité consiste à voir jusqu’à quel point la définition communément admise
aujourd’hui s’applique à ces terroirs.
-
Activité 2 : Le relevé/inventaire de
terrain/les entretiens avec les acteurs
C’est
là une phase essentielle car elle permettra d’apporter les dernières retouches
à la définition/délimitation du terroir et fournira les éléments qui permettront
de donner sens à ce terroir et à en faire un outil de développement. Il s’agira
aussi de faire l’inventaire des produits et services ainsi que de leurs
environnements pouvant être valorisés et proposés sous la forme d’un
« panier de biens et de services » du terroir considéré. Ce relevé de
terrain portera sur trois volets :
·
Le relevé des
produits typiques du terroir et des principaux savoir-faire qui y sont liés,
des modes de production et transformation aux utilisations et valorisations
locales qui en sont faites
·
L’ancrage
historique des produits
L’histoire
sera sollicitée pour participer à la construction de la notoriété d’un produit.
Il s’agit de recueillir des récits historiques qui interrogent la relation
qu’entretient l’homme avec le passé et participent aux mécanismes de patrimonialisation.
Ceci passe par l’utilisation de sources écrites, rares dans ce cas mais aussi
par l’histoire orale grâce aux témoignages oraux recueillis auprès des
personnages âgés. Il s’agit en effet de mettre en évidence l’ancrage historique
du produit du terroir même par le biais d’un passé proche.
·
La
compréhension et la mise en évidence des singularités du local
A
travers une enquête ethnographique, il s’agira de décrire par le menu les différentes
composantes de la société locale en prenant en compte le discours des
informateurs. Ceci se fera à travers les productions locales selon un certain
nombre de paramètres : les façons dont ces productions sont élaborées, les
savoirs et pratiques que ces sociétés mettent en œuvre, la place que ces
productions occupent dans la société locale, notamment à travers les usages
alimentaires. On essaiera également d’identifier les relations qu’un groupe
social entretient avec la nature et la gestion durable de ses ressources et
leurs évolutions dans le temps.
Outre la mise en évidence de la volonté ou
non des acteurs locaux à valoriser ces produits, il convient de provoquer des réflexions
collectives au sein d’ateliers de restitution et de diagnostics. L’objectif
pourrait être la construction autour d’un produit phare d’un système de plusieurs
produits pouvant entraîner une dynamique de développement.
Au niveau des exploitations agricoles et
des foyers une enquête nous permettra
d’étudier quelles sont les nouvelles catégories sociales concernées directement
par les espaces agroforestiers, et de voir quelle est la part de l’agricole,
sous ses formes intensives et extensives, dans ces campagnes par rapport aux
activités concurrentes.
-
Activité 3 : La cartographie
L’importance
de la cartographie comme méthode de traitement et moyen de communication est
plus qu’évidente dans un tel projet. Nous l’utiliserons dans nos essais de
délimitation, et pour reporter les résultats de nos relevés et inventaires,
comme elle sera mise à profit pour produire des documents d’étape nous
permettant de communiquer avec nos interlocuteurs sur le terrain. La méthode
socio-géographique basée sur la participation des populations concernées
utilisera la méthode cartographique sur le terrain pour esquisser les limites
du terroir telles qu’elle apparaissent dans les déclarations des usagers.
[1]
Cette définition a été élaborée à partir
du travail d’un groupe conjoint INRA (institut national de la recherche agronomique)
et INAO (institut national des appellations d’origine). Elle reprend en partie
et complète celle proposée par François Casabianca,
Bertil Sylvander, Yolande Noël, Claude Béranger, Jean-Baptiste COULIN, George GIRAUD, Gilles FLUTET,
François Roncin, Eric Vincent.
Terroir et typicité : propositions de définitions pour deux notions
essentielles à l’appréhension des indications du développement durable, in
Terroirs Viticoles, vol 2, actes du VI Congrès International des Terroirs
Viticoles, pages 546 -547
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